La décadence de l'industrie automobile européenne

La décadence de l'industrie automobile européenne

Florian Trayon dans

L’automobile est le signe de la libération de l’individu.

Georges Pompidou

Avant-propos

Il est loin, le temps où l’industrie automobile européenne incarnait l’innovation, la qualité et la performance. Aujourd’hui, elle semble traverser une crise profonde, tiraillée entre défis économiques, environnementaux et technologiques. En tant que consommateur, je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine frustration face à cette situation.

Il suffit d’ouvrir n’importe quel journal économique européen pour constater que l’industrie automobile du Vieux Continent va mal. Difficultés financières, suppressions massives d’emplois, production au ralenti, sans oublier la concurrence acharnée des constructeurs asiatiques et américains… Tout porte à croire que l’avenir de l’automobile européenne s’écrit désormais en pointillé.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser que cet article reflète avant tout mon opinion personnelle. Il n’a aucunement pour but de dénigrer les efforts des constructeurs automobiles européens et encore moins français, ni de sombrer dans le French-bashing. Il s’agit simplement d’une analyse critique, fondée sur mes observations de ces dernières années et sur ce que je perçois comme les principaux défis auxquels notre industrie automobile est confrontée.

Et qu’on se rassure : je ne me permettrais pas de faire du French-bashing, je roule moi-même en Peugeot.

L’automobile avant les années 2000

Je suis toujours très admiratif des véhicules produits par les constructeurs européens avant les années 2000. Au fil de mes recherches, sur Wikipédia, dans les journaux d’époque ou sur des blogs de passionnés d’automobile, j’ai pu constater que ces voitures étaient souvent saluées pour leur qualité de fabrication, leur design novateur et leurs performances remarquables. Nombreux sont ceux qui connaissent quelqu’un dans leur entourage qui possède encore un véhicule de cette époque et… qui roule toujours, en 2025, malgré les décennies passées et parfois plusieurs centaines de milliers de kilomètres au compteur. Ces voitures continuent d’afficher une endurance presque légendaire, certaines tournent encore comme des horloges, presque comparables à nos chers TGV (toutes proportions gardées, bien sûr).

Affiche publicitaire de la Peugeot 205 GTI (1984-1994) Affiche publicitaire de la Peugeot 205 GTI (1984-1994) (Crédit photo : Peugeot France)

Quand on cherche à comprendre les raisons de ce succès, plusieurs facteurs ressortent : la simplicité mécanique, la robustesse des matériaux, l’attention portée aux détails et surtout le savoir-faire des ingénieurs et des ouvriers européens. À cette époque, les constructeurs privilégiaient une approche centrée sur le conducteur, cherchant avant tout à offrir une expérience de conduite plaisante, rassurante et durable.

Affiche publicitaire de la Fiat Panda de première génération (1980-2003) Affiche publicitaire de la Fiat Panda de première génération (1980-2003) (Crédit photo : Fiat France)

L’apparition et la démocratisation de technologies comme l’Airbag, l’ABS (système anti-blocage des roues) ou plus tard l’ESP (correction électronique de trajectoire) ont marqué une véritable révolution. Ces dispositifs, aujourd’hui considérés comme des standards de sécurité incontournables, ont souvent été introduits ou perfectionnés par des constructeurs européens, avant d’être adoptés à grande échelle dans le monde entier. Ces innovations ont contribué à améliorer considérablement la sécurité routière et à renforcer la confiance des automobilistes.

Au-delà de la sécurité, il faut reconnaître que les constructeurs européens de cette époque faisaient preuve d’un véritable esprit d’innovation et de créativité, qui se manifestait aussi bien dans le design que dans la conception mécanique. Des marques comme BMW, Mercedes-Benz, Audi, Peugeot, Renault ou Volkswagen concevaient des véhicules à la fois fonctionnels, esthétiques et technologiquement avancés pour leur temps.

Affiche publicitaire de la Peugeot 406 de première génération (1995-1999) Affiche publicitaire de la Peugeot 406 de première génération (1995-1999) (Crédit photo : Peugeot France)

Et honnêtement… en me relisant, tout cela me fait doucement rêver. Quand je regarde les voitures d’époque, c’est vrai qu’elles paraissent plus rustiques que nos modèles modernes, mais elles dégagent un charme indéniable. Il y avait dans ces véhicules une âme, une simplicité, une authenticité qu’on retrouve difficilement aujourd’hui. L’automobile, alors, n’était pas qu’un simple moyen de transport : c’était une passion, un art, une expression de liberté.

Je repense souvent à la vieille Citroën Xantia de mon père : une voiture qui a traversé les années, bien avant ma naissance, avec une fiabilité exemplaire et un confort de conduite incroyable pour son époque. Ses suspensions hydropneumatiques faisaient toute la différence sur les routes déformées. Et pour l’entretien ? Un vrai jeu d’enfant : les pièces étaient abordables, les mécaniciens largement compétents et personne n’avait besoin d’un ordinateur pour diagnostiquer un pneu crevé ou un niveau d’huile bas… Aujourd’hui, la moindre alerte au tableau de bord déclenche pour la plupart d’entre nous une visite au garage, comme si notre voiture avait besoin d’un doctorat en électronique. 🙄

Affiche publicitaire de la Citroën Xantia de première génération (1993-1997) Affiche publicitaire de la Citroën Xantia de première génération (1993-1997) (Crédit photo : Citröen Suisse)

Mais alors, qu’est-ce qui a changé ?

Je le reconnais : une partie de ma nostalgie est sans doute idéalisée, puisque je n’ai pas vraiment connu cette époque. Et bien sûr, tout n’était pas parfait. Ces véhicules rejetaient bien plus de polluants qu’aujourd’hui, notamment des oxydes d’azote (NOx), des particules fines et du CO₂, hautement nocifs pour la santé et l’environnement. Les normes de sécurité étaient aussi beaucoup moins strictes : certains modèles n’étaient pas équipés d’airbags, les structures se déformaient mal lors des chocs et les dispositifs de sécurité active étaient quasi inexistants.

Alors oui, je fantasme un peu cette époque. Mais soyons honnêtes : je préfère quand même être protégé dans un véhicule moderne, blindé d’électronique, plutôt que dans une voiture des années 80 où un simple accident pouvait être dramatique. D’ailleurs, même les premiers airbags, qui ont introduits dès les années 80, n’étaient pas toujours fiables : on se souvient du scandale Takata, où des airbags défectueux (principalement sur des véhicules japonais, américains et européens) pouvaient littéralement exploser lors d’un impact. Pas de quoi rêver, effectivement.

L’Europe et l’industrie automobile entre 2000 et 2010

Bon, c’est bien beau tout ça, mais qu’est-ce qui s’est réellement passé en Europe et plus particulièrement en France, entre 2000 et 2010 ? Je ne vais pas vous faire un dessin : en 2001, nous avons adopté une monnaie commune, l’euro. Cela peut sembler anodin, mais c’est aussi un symbole fort du début d’une intégration européenne plus poussée, marquée par une uniformisation accrue des normes et des standards dans tous les domaines, y compris celui de l’industrie automobile.

Bien sûr, certaines réglementations existaient déjà avant les années 2000 : la norme Euro 1 avait été introduite en 1993, puis Euro 2 en 1996. Mais c’est véritablement à partir des années 2000, avec Euro 3 en 2001 puis Euro 4 en 2006, que les exigences environnementales et de sécurité se sont considérablement renforcées. Avant cela, les États membres conservaient encore une certaine marge de manœuvre dans l’application de ces règles. Désormais, c’est Bruxelles qui donnait le ton et les constructeurs devaient s’y conformer.

Tableau des normes « Euro » d'émissions de polluants pour les véhicules lourds Tableau des normes « Euro » d’émissions de polluants pour les véhicules lourds (Crédit photo : Ministère français des Transports)

Durant cette décennie, le paysage automobile européen a profondément changé. L’ABS est devenu obligatoire sur toutes les voitures neuves vendues dans l’Union, le système de diagnostic électronique E-OBD a été généralisé pour faciliter la détection des pannes et le contrôle des émissions et les crash-tests Euro NCAP se sont imposés comme référence en matière de sécurité passive. Parallèlement, les voitures ont commencé à intégrer davantage d’airbags, des structures plus rigides et de meilleures protections pour les piétons.

Résultat : nos véhicules sont devenus plus sûrs, plus propres et plus technologiques. Attention toutefois : plus de sécurité ne signifie pas infaillibilité. Il suffit de voir les cas récents de freinage d’urgence « fantôme » observés sur certains modèles. Certains diront que cette évolution s’est accompagnée d’une hausse des prix et c’est vrai. Mais faut-il pour autant blâmer l’Europe pour avoir imposé des normes plus strictes, destinées à protéger notre santé, notre sécurité et l’environnement ? Pas vraiment.

Illustration du principe de l'assistance au freinage d'urgence Illustration du principe de l’assistance au freinage d’urgence (Crédit photo : Mercedes-Benz)

Le véritable problème, selon moi, se trouve ailleurs : dans la réaction des constructeurs européens face à ces nouvelles contraintes. Ils avaient deux choix : innover et investir massivement dans la recherche et le développement pour concevoir des véhicules respectueux des normes sans sacrifier la qualité, ou réduire les coûts pour préserver leurs marges à court terme, au risque d’appauvrir leurs produits et de décevoir leurs clients. Malheureusement, beaucoup ont choisi la seconde voie.

Avec la montée en puissance des réglementations, certaines fantaisies d’avant les années 2000 ont disparu et pour compenser les surcoûts, les marques ont fait des économies de bout de chandelle. Les matériaux ont été remplacés par des composants moins coûteux, les mécaniques complexifiées à l’excès, les véhicules rétrécis et parfois même produits à l’étranger pour réduire les dépenses. En conséquence, la qualité perçue a décliné, la fiabilité a chuté et la satisfaction client s’est érodée.

Cette dégradation progressive a entraîné une perte de confiance envers les constructeurs européens, de plus en plus perçus comme privilégiant les profits plutôt que la satisfaction des conducteurs. Le résultat a été sans appel : une baisse des ventes, une diminution de la part de marché et un avantage croissant pour les constructeurs asiatiques et américains, qui, eux, ont su mieux anticiper les attentes des consommateurs en matière de fiabilité, de technologie et de rapport qualité-prix.

Et justement, parlons-en, de cette concurrence asiatique. Parce que pendant que l’Europe se regardait le nombril, eux n’ont pas chômé.

La concurrence asiatique et américaine

Vous connaissez Ford, Honda, Nissan, Toyota, Hyundai, Kia ? Bien sûr que oui. Inutile de vous faire un dessin : leur présence massive sur nos routes françaises et européennes est le fruit de la mondialisation, mais aussi du fait qu’ils ont su répondre bien plus efficacement que les constructeurs européens aux attentes des consommateurs en matière de qualité, de fiabilité et d’innovation.

Prenons Toyota : le constructeur japonais a été l’un des pionniers dans l’adoption de la technologie hybride, avec la célèbre Prius, lancée à la fin des années 1990. À une époque où les marques européennes réfléchissaient à contourner ces nouvelles contraintes écologiques, Toyota proposait déjà une alternative crédible et efficace aux motorisations traditionnelles. Et quand on parle de fiabilité, difficile de ne pas évoquer Toyota encore une fois : leur réputation est telle qu’on retrouve encore aujourd’hui des modèles des années 1990 ou 2000 qui roulent sans broncher, parfois dans des conditions extrêmes.

La voiture de l'année 2010 au Japon : la Toyota Prius La voiture de l’année 2010 au Japon : la Toyota Prius (Crédit photo : Toyota)

J’ai presque souri, avec une pointe d’ironie, en voyant récemment un reportage de France Télévisions sur des Toyota Hilux de 1997 encore en circulation en Afrique, utilisés aussi bien par des particuliers que par des milices ou des groupes armés. Ce n’est pas un hasard si ce pick-up est souvent qualifié de « quasi indestructible ». Et ce n’est pas de la légende : dans des zones où les routes sont inexistantes, où les pièces détachées sont rares et où les véhicules subissent des conditions extrêmes, les Toyota continuent de rouler. Ce seul fait illustre à quel point la robustesse et la simplicité mécanique restent des atouts redoutables, des valeurs que beaucoup de marques européennes ont délaissées au profit de la complexité électronique.

Un détachement de l'armée mauritanienne au Sahel utilisant des Toyota Hilux (2018) Un détachement de l’armée mauritanienne au Sahel utilisant des Toyota Hilux (2018) (Crédit photo : Thomas Samsun (AFP))

Les constructeurs asiatiques, de manière générale, ont aussi su proposer des véhicules plus abordables, avec un excellent rapport qualité-prix. Cela a séduit de nombreux consommateurs européens, d’autant plus que, dans le même temps, les marques locales avaient tendance à augmenter leurs tarifs sans offrir de véritables innovations. Pendant que les Européens jouaient la carte du prestige et de la marge, les Asiatiques jouaient celle de la fiabilité et de la satisfaction client et le public ne s’y est pas trompé.

Les Américains, quant à eux, ont suivi une trajectoire un peu différente. Moins stratégiques que les Asiatiques sur le marché européen, ils ont néanmoins su tirer parti de leur expertise dans le domaine des véhicules utilitaires et des pick-up. Il faut dire que leur « expérience » dans la production de véhicules militaires pendant la Seconde Guerre mondiale leur a donné une solide maîtrise de la robustesse et de la motorisation de gros gabarits. Progressivement, ces véhicules ont trouvé leur public en Europe, notamment auprès des professionnels et des amateurs de véhicules puissants.

Les constructeurs américains ont aussi misé sur ce qui fait leur identité : la puissance, le style et les performances. Ils ont su séduire une clientèle européenne en quête de sensations fortes, d’originalité et d’un peu de rêve américain. Parce qu’il faut bien l’admettre : rouler en Mustang ou en Camaro, c’est quand même autre chose que de se déplacer en Renault Clio ou en Peugeot 208

La Chevrolet Camaro de cinquième génération (2009-2015) La Chevrolet Camaro de cinquième génération (2009-2015) (Crédit photo : Chevrolet Allemagne)

Je reviendrai plus tard sur cette concurrence, qui s’est encore intensifiée avec l’arrivée de la motorisation électrique. Les constructeurs chinois, aujourd’hui, semblent bien décidés à suivre le même chemin que les Japonais et les Américains avant eux : inonder le marché européen avec des véhicules électriques abordables, modernes et de plus en plus fiables.

La chute de l’industrie automobile européenne après 2010

Après 2010, la situation de l’industrie automobile européenne s’est encore détériorée et le mot est faible. Entre scandales environnementaux, crises économiques successives et mutations technologiques accélérées, le secteur a traversé une véritable tempête.

L’un des événements les plus marquants de cette période reste sans conteste le scandale du… 🥁 roulement de tambours 🥁… Dieselgate, en 2015. Plusieurs constructeurs européens, dont Volkswagen en tête, ont été accusés d’avoir truqué les tests d’émissions de leurs moteurs diesel lors des procédures d’homologation. Ce scandale a brutalement terni l’image de l’industrie automobile européenne et a provoqué une chute brutale des ventes de véhicules diesel sur le continent. Ironie du sort : pendant des années, même les gouvernements, notamment en France, encourageaient activement l’achat de véhicules diesel via des avantages fiscaux attractifs, au nom d’une prétendue « efficacité énergétique ». On sait aujourd’hui à quel point cette politique était une erreur monumentale, évitable, prévisible, mais révélatrice d’une incapacité chronique de nos dirigeants à penser à long terme.

Affiche publicitaire de la Peugeot 406 diesel (1997) Affiche publicitaire de la Peugeot 406 diesel (1997) (Crédit photo : Peugeot France)

À cela se sont ajoutées plusieurs crises successives : la crise économique mondiale de 2008, dont les effets se sont prolongés bien au-delà de la décennie ; les tensions géopolitiques en Europe de l’Est en 2014, puis la guerre russe en Ukraine en 2022 ; sans oublier la pandémie de Covid-19 en 2020. Ces événements ont eu des conséquences lourdes : baisse de la demande, ruptures d’approvisionnement, fermetures d’usines et suppressions massives d’emplois. De nombreux constructeurs européens ont dû réduire leurs coûts, licencier et parfois même fermer des sites entiers pour survivre. Bref, un véritable cataclysme industriel.

Cette période a aussi vu une série de fusions, délocalisations et réorganisations. Renault a transféré une partie de sa production vers la Turquie et la Slovénie, tandis que le groupe PSA a fusionné avec Fiat Chrysler pour donner naissance à Stellantis (oui, désolé d’avoir prononcé ce mot). Résultat : une partie non négligeable de la production européenne est désormais réalisée en dehors du continent, notamment en Chine ou en Amérique latine.

Comme si cela ne suffisait pas, la Commission européenne a continué à imposer de nouvelles normes environnementales et de sécurité de plus en plus strictes. En théorie, ces normes allaient dans le bon sens ; en pratique, elles ont forcé les constructeurs à faire des choix technologiques et économiques parfois discutables. Le Dieselgate en est la preuve la plus flagrante : plutôt que d’innover, certains ont préféré contourner les règles. D’autres se sont lancés dans le downsizing, réduisant la taille et la cylindrée des moteurs thermiques pour respecter les limites d’émissions, mais souvent au détriment de la fiabilité et de la durabilité. Il suffit de regarder les Peugeot 208 produites en Amérique latine pour s’en convaincre : là-bas, les moteurs restent simples, solides et éprouvés, loin des motorisations européennes comme le fameux PureTech, dont la réputation de fragilité n’est plus à faire. Ironie du sort, ces moteurs plus robustes ne sont même pas autorisés sur le marché européen, car ils ne répondent absolument pas aux normes actuelles.

Des milliers de véhicules stationnés dans le désert californien suite au scandale du Dieselgate (2018) Des milliers de véhicules stationnés dans le désert californien suite au scandale du Dieselgate (2018) (Crédit photo : Reuters)

Parallèlement, les pouvoirs publics ont multiplié les incitations à l’électrification : aides à la conversion, bonus écologiques, restrictions de circulation pour les véhicules thermiques, etc. En quelques années, le paysage automobile européen a radicalement changé. On est passé d’une industrie florissante, innovante et fière de ses moteurs thermiques performants à une industrie en quête de sens, contrainte de se réinventer dans l’urgence.

Autrefois, les constructeurs savaient fabriquer des moteurs puissants, fiables et durables. Aujourd’hui, on leur demande de produire des voitures « zéro émission », bourrées d’électronique, censées rouler sans bruit, sans essence et sans problème, comme si la transition pouvait se faire du jour au lendemain. C’est un peu comme si on demandait à un boulanger de faire des baguettes sans gluten, sans levure et sans farine, alors que sa recette est transmise de père en fils depuis un siècle. Bizarre, non ?

La Renault 5 (1972) présentée à l'édition 2022 de la Rétromobile La Renault 5 (1972) présentée à l’édition 2022 de la Rétromobile (Crédit photo : Y.Leclercq)

Image de présentation de la nouvelle Renault 5 E-Tech 100% électrique (2024) Image de présentation de la nouvelle Renault 5 E-Tech 100% électrique (2024) (Crédit photo : Renault France)

Mais au-delà des normes, c’est le monde lui-même qui a changé. La prise de conscience environnementale s’est accélérée, les consommateurs demandent des véhicules plus écologiques, plus durables, plus connectés. Et justement, en parlant de connectivité, il est temps d’aborder ce nouveau chapitre de la révolution automobile.

La connectivité et la technologie

Comme je l’ai brièvement évoqué dans le dernier paragraphe, tout est allé très vite dans le domaine de l’électronique embarquée et du numérique ces dernières années. Hors automobile, on a assisté à l’explosion des technologies de pointe : démocratisation des téléphones avec écran tactile grâce à l’arrivée de l’iPhone, essor des ordinateurs portables, généralisation de l’Internet haut débit, remplacement progressif des technologies analogiques par le numérique, montée en puissance des réseaux sociaux… Tous ces changements ont eu un impact significatif sur l’industrie automobile, qui a dû s’adapter rapidement pour rester compétitive face à des consommateurs de plus en plus connectés et exigeants.

Un exemple frappant est l’intégration de systèmes d’infodivertissement avancés dans les véhicules : écrans tactiles, Bluetooth, GPS intégré, compatibilité avec les smartphones… Prenons un exemple concret : après la Citroën Xantia de mon père, mes parents ont acheté une Peugeot 308 de 2008, un bon vieux 1.6 HDI diesel de 112 chevaux. Cette voiture était peut-être un peu plus moderne et bourrée d’électronique que sa prédécesseur, mais elle était à des années-lumière des véhicules actuels. Aujourd’hui, chaque partie d’une voiture semble devenir un écran tactile : dépassez d’un centimètre la ligne blanche sur l’autoroute et l’instrumentation numérique vous le signale avec mépris (avant de donner une décharge électrique en guise de sanction… je plaisante !).

Même à l’époque, cette 308 semblait tendance, mais elle n’avait ni Bluetooth, ni véritable GPS intégré, ni écran tactile, ni compatibilité avec un quelconque téléphone. Juste une radio CD avec un port auxiliaire pour brancher un iPod ou un téléphone via un câble jack 3.5mm. Pour nous aujourd’hui, cela paraît dérisoire, mais pour l’époque, c’était déjà un petit pas vers la modernité et le confort pour notre famille.

Couverture du manuel d'utilisation de la Peugeot 308 de première génération (2007-2011) Couverture du manuel d’utilisation de la Peugeot 308 de première génération (2007-2011) (Crédit photo : Peugeot France)

Pourtant, pour certains, c’était déjà trop. Je me souviens qu’un dimanche, la batterie de notre voiture étant en panne, j’avais accompagné mon père chez un vieil ami mécanicien à la retraite qui habitait dans notre quartier. Il nous avait confié que ces voitures modernes étaient trop complexes à réparer, nécessitant ordinateurs et logiciels spécifiques pour diagnostiquer les problèmes. À 10 ans, je n’avais pas vraiment compris, trop occupé à penser à mes devoirs de français du lendemain que je n’avais toujours pas fait (la belle époque 😇). Aujourd’hui, je comprends mieux : la complexité croissante des systèmes électroniques a créé un véritable choc générationnel entre les véhicules des années 1990 et ceux des années 2000 et au-delà. Même une voiture « modeste » comme la 308 de 2008 était déjà trop complexe pour un mécanicien traditionnel.

De nos jours, les véhicules modernes sont devenus de véritables ordinateurs sur roues. Avec leurs systèmes d’exploitation, applications et mises à jour logicielles, ils offrent des technologies de pointe : assistances à la conduite, intelligence artificielle, systèmes de sécurité avancés, connectivité 4G/5G, communication par satellite (oui vous avez bien lu) et intégration avec nos téléphones portables.

Tout cela améliore sécurité, confort et commodité, mais introduit également de nouveaux défis : cybersécurité, confidentialité des données et complexité accrue de la maintenance. Sans oublier que les constructeurs redoublent d’ingéniosité pour nous inciter à dépenser toujours plus, en proposant désormais certaines options uniquement sous forme d’abonnements mensuels. Vous voulez le GPS ? C’est 10 euros par mois. Vous voulez l’assistance au stationnement automatique ? C’est 15 euros par mois. Vous voulez que votre voiture vous prépare un café pendant que vous conduisez ? Ah ben ça, c’est pas encore dispo… mais ça ne saurait tarder. On pourrait presque imaginer qu’une voiture moderne pourrait bientôt vous facturer l’air que vous respirez à l’intérieur de l’habitacle. Après tout, pourquoi pas ? Soyons fous !

Habitacle de la Tesla Model 3 de troisième génération (2023-) Habitacle de la Tesla Model 3 de troisième génération (2023-) (Crédit photo : Tesla France)

L’hybridation et l’électrification

En plus des révolutions technologiques en matière de connectivité, au cours des années 2010, le monde a pris conscience de l’importance de la transition vers des véhicules plus écologiques et durables, face aux préoccupations croissantes liées au changement climatique, à la pollution de l’air et à la dépendance aux combustibles fossiles. Eh oui, parce qu’on verra probablement la fin du pétrole et du charbon ce siècle, il serait peut-être temps de rouler autrement, non ? Grâce à l’impulsion de constructeurs comme Tesla ou Toyota, l’industrie automobile européenne a reçu un nouveau choc, en plus de devoir suivre les cadences des normes européennes. Les consommateurs, surtout les générations X et Z, en gros ceux qui vont voir le monde imploser à cause des conneries des baby-boomers, ont commencé à exiger des véhicules hybrides et électriques.

Le Renault Rafale E-Tech en Hybride Rechargeable (2024) Le Renault Rafale E-Tech en Hybride Rechargeable (2024) (Crédit photo : Clément Choulot)

Alors, un véhicule hybride, c’est quoi exactement ? En gros, c’est un véhicule qui combine un moteur thermique et un moteur électrique. L’idée est d’utiliser le moteur électrique pour les trajets courts et à basse vitesse et le moteur thermique pour les trajets plus longs ou plus rapides. Théoriquement, cela permet de réduire la consommation de carburant et les émissions de CO₂ tout en offrant une autonomie suffisante pour les déplacements quotidiens. Mais le revers de la médaille, c’est que ces véhicules sont souvent plus chers à l’achat, plus complexes à entretenir, plus lourds et peuvent avoir une autonomie limitée en mode électrique pur.

Il existe plusieurs types d’hybrides : l’hybride léger (mild hybrid, aussi appelé « hybride 48V »), l’hybride complet (full hybrid) et l’hybride rechargeable (plug-in hybrid). Chacun a ses avantages et ses inconvénients et le choix dépend des besoins de l’utilisateur. Plus on se rapproche de l’hybride rechargeable, plus le prix du véhicule augmente… belle innovation, non ? 🤑

Pour les véhicules électriques, c’est plus simple : pas de moteur thermique, juste une grosse batterie et vous espérez que ça tienne le plus longtemps possible, à condition que le constructeur ait fait son boulot correctement. Une Tesla, par exemple, permet de parcourir plusieurs centaines de kilomètres sans problème. Une petite Renault Zoé, en revanche… si vous arrivez à faire 200 kilomètres, vous pouvez vous considérer chanceux et on vous enverra une lettre de félicitations. Je caricature un peu, mais cela illustre bien que l’autonomie varie énormément selon le modèle, la capacité de la batterie, les conditions de conduite et d’autres facteurs.

Affiche publicitaire pour la Renault Zoé E-Tech 100% électrique (2012-2024) Affiche publicitaire pour la Renault Zoé E-Tech 100% électrique (2012-2024) (Crédit photo : Renault France)

Ces véhicules offrent aussi des avantages en termes de maintenance : moins de pièces mobiles, pas besoin de vidanges, de filtres à air ou de bougies. Mais le coût initial est plus élevé, principalement à cause des batteries et leur durée de vie peut poser problème, surtout sur le marché de l’occasion. Si votre batterie tombe en panne, mieux vaut espérer gagner au loto, car son remplacement peut coûter plusieurs milliers d’euros.

Alors, est-ce une mauvaise idée d’opter pour un véhicule électrique ou hybride ? Pour certains profils comme Thierry, 47 ans, marié, 2 enfants, qui habite dans la Creuse, oui, les contraintes sont réelles pour le moment. Mais est-ce une raison de se vanter de rouler avec un vieux diesel polluant ? Certainement pas. Beaucoup de passionnés de voitures anciennes ou de véhicules thermiques aiment vanter leur fiabilité et leur faible coût et ils n’ont pas tort : ces véhicules ont fait leurs preuves. Mais continuer à ignorer l’avenir et rester bloqué sur le thermique, c’est une erreur monumentale.

Aujourd’hui, vouloir acheter un véhicule neuf implique souvent de se tourner vers l’hybride ou l’électrique. Les prix explosent, les modèles thermiques disponibles sont limités et si vous choisissez un véhicule thermique un peu puissant, vous vous exposez à un malus écologique de plusieurs milliers d’euros. Si vous optez pour l’électrique, vous devez composer avec une autonomie limitée et des temps de recharge parfois interminables. Et les aides gouvernementales diminuent, rendant l’achat encore plus difficile.

Pour comparer, prenons la Peugeot 308 de mes parents : en 2008, elle coûtait un peu plus de 20 000 euros neuve, finition milieu/haut de gamme, bon de commande à l’appui. Aujourd’hui, pour une Peugeot 308 équivalente, moteur hybride rechargeable inclus, on dépasse les 30 000 euros sur la finition de base, soit une augmentation de près de 50 % en 17 ans et encore, pour une finition de base sans tous les équipements pourtant très demandés par les plus jeunes (oui, vous savez, ceux qui ne veulent pas travailler « 60 heures par jour » et qui « râlent tout le temps », alors que « c’était mieux avant », à bons entendeurs 😉).

Oui, l’inflation, les normes environnementales et la technologie expliquent une partie de l’augmentation, mais quand même, c’est un peu abusé, non ? Et dans le contexte économique actuel, qui peut réellement se permettre un tel investissement ? Sans oublier qu’une voiture neuve perd en moyenne 20 % de sa valeur dès sa sortie du concessionnaire et jusqu’à 60 % après cinq ans. Pas besoin d’avoir fait des grandes études en finance pour comprendre que c’est rarement une bonne affaire.

La Peugeot 308 III de troisième génération (2025-) La Peugeot 308 III de troisième génération (2025-) (Crédit photo : Peugeot France)

La drogue des financements

Les prix augmentent partout, sur tous les produits, à n’importe quelle occasion. Pourtant, une voiture, c’est parfois indispensable selon l’endroit où vous habitez, votre travail et j’en passe. Mais purée, la vache, c’est quoi ces prix ? Imaginez-vous un travailleur modeste, au SMIC ou juste au-dessus, avec un loyer à payer (si vous avez eu la chance de trouver un logement décent), des factures, de la nourriture, des vêtements, des loisirs… Vous n’allez très probablement pas pouvoir vous offrir une voiture neuve à 30 000 euros, même avec un prêt sur cinq ans. Alors, vous allez vous tourner vers une voiture d’occasion… mais là encore, les prix ont explosé ces dernières années. Eh oui, véhicule neuf cher = véhicule d’occasion cher.

Résultat : beaucoup se tournent vers des financements sans apport, des crédits à la consommation, des LOA (location avec option d’achat) ou des LLD (location longue durée) pour pouvoir s’offrir un véhicule. Et là, c’est le drame.

Le problème avec ces financements ? C’est simple : vous payez quelque chose qui ne vous appartient même pas. C’est un peu comme un loyer : sauf qu’un loyer, vous y habitez, alors qu’une voiture… vous la conduisez, elle vous maltraite parfois et c’est tout. En plus, vous payez des intérêts exorbitants (qui correspondent en réalité à la décote du véhicule jusqu’à sa restitution), des frais de dossier, des assurances et j’en passe, ce qui fait exploser le coût total. Par exemple, une voiture neuve à 30 000 euros financée sur cinq ans à 5 % d’intérêt peut finalement vous revenir à plus de 37 500 euros, soit plus de 25 % de plus que le prix initial.

Publicité de la Dacia Spring 100% électrique présentant les options de financement (2021-) Publicité de la Dacia Spring 100% électrique présentant les options de financement (2021-) (Crédit photo : Dacia France)

Certains trouvent leur compte dans ces financements et je le comprends : pas besoin de s’inquiéter de l’entretien (qui, sur une voiture neuve, se limite souvent à presque rien), des pannes potentielles, etc. Mais à quel prix ? Vous restez dans une situation précaire, vous n’êtes pas propriétaire de votre véhicule, limité par le kilométrage annuel, soumis à des conditions strictes pour l’entretien… et si un accident de la vie survient ou si vous perdez votre emploi, vous devez continuer à payer votre financement, même sans revenus (sauf si vous avez pris une assurance spécifique, bien sûr, mais cela augmente encore le coût total).

Et puis, au moment de récupérer les clés, si vous avez la malchance de constater des défauts sur la carrosserie, des rayures, des bosses… le concessionnaire va gentiment vous demander de régler la facture pour tout réparer, sauf si vous souscrivez un nouveau financement chez lui. Magique, non ? 😎

Je ne diabolise pas complètement ces financements : ils peuvent être utiles dans certaines situations, par exemple pour les indépendants qui peuvent les passer en frais de société, ou pour ceux qui ont les moyens et veulent retrouver un véhicule neuf sans tracas tous les X ans. Mais il est important d’ouvrir les yeux : ce système profite de la précarité des consommateurs pour leur vendre des produits qu’ils ne pourraient pas s’offrir autrement.

Les inégalités sociales seraient beaucoup plus nombreuses si les pauvres ne vivaient pas au-dessus de leurs moyens.

Philippe Bouvard

Tesla et les constructeurs européens

Pour en revenir à l’hybridation et à l’électrification, il est indéniable que Tesla a joué un rôle majeur dans la transformation de l’industrie automobile mondiale, en particulier en Europe. Fondée en 2003 par le très sulfureux Elon Musk, Tesla a révolutionné le marché des véhicules électriques avec des modèles que je considère comme innovants, performants et au design résolument futuriste. La Tesla Model S, lancée en 2012, a été l’une des premières voitures électriques à offrir une véritable expérience électrique, avec une autonomie impressionnante, des performances de haut niveau, un équipement complet dès la version de base et une technologie embarquée avancée. Depuis, Tesla a poursuivi l’innovation avec la Model 3, la Model X et la Model Y, qui ont toutes contribué à populariser les véhicules électriques en Europe. Il suffit de regarder le nombre de Tesla sur nos routes aujourd’hui pour se rendre compte de l’impact de la marque.

Quatre voitures Tesla : un Model S, Model 3, un Model X et un Model Y Quatre voitures Tesla : un Model S, Model 3, un Model X et un Model Y (Crédit photo : Tesla France)

Tesla a su combiner plusieurs éléments clés pour séduire les consommateurs européens : une autonomie adaptée aux trajets quotidiens, des performances impressionnantes, un design moderne et une technologie embarquée avancée. La marque a également construit une image forte, associant innovation, durabilité et performance, ce qui a attiré une clientèle spécifique, souvent au détriment des constructeurs européens, qui peinent à suivre le rythme et accumulent erreurs stratégiques et scandales. Ces difficultés empêchent encore certains d’entre eux de rivaliser efficacement avec Tesla et d’autres acteurs du marché des véhicules électriques.

Est-ce la faute de Tesla ? Absolument pas. Au contraire, l’arrivée de Tesla sur le marché européen a servi de catalyseur : elle a poussé de nombreux constructeurs européens à investir massivement dans la recherche et le développement de véhicules électriques plus performants, connectés et durables. Les modèles électriques européens que nous connaissons aujourd’hui sont, à mon avis, largement le fruit de cette pression : Tesla a forcé les constructeurs traditionnels à innover, à s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs et à repenser leur stratégie, pour le meilleur… comme pour le pire.

Les constructeurs chinois

En plus de Tesla, les constructeurs chinois ont commencé à s’imposer sur le marché européen depuis quelques années, avec des véhicules électriques beaucoup plus abordables que ceux proposés par les constructeurs européens et américains. Pour l’instant, le marché européen reste artificiellement protégé par des taxes d’importation élevées et des normes strictes, mais cette protection ne durera pas éternellement. Pendant trop longtemps, nos constructeurs ont été incapables et le restent en partie, de proposer des modèles innovants, performants et abordables, comme ils le faisaient avant les années 2000. Le fait de bénéficier d’un marché protégé ne les incite pas à innover : au contraire, ils profitent de la situation pour maximiser leurs marges.

La MG4 100% électrique de première génération (2022-) La MG4 100% électrique de première génération (2022-) (Crédit photo : MG Motor France)

Les constructeurs chinois, quant à eux, ont su s’inspirer du succès de Tesla et proposer des modèles électriques (mais aussi thermiques, qui restent encore largement présents sur leur marché), reprenant les mêmes codes, à des prix accessibles, bien équipés et avec une fiabilité certes imparfaite, mais largement suffisante pour les consommateurs souhaitant éviter un véhicule Stellantis (toujours confronté aux soucis du moteur PureTech) ou ne pas dépenser le prix d’un appartement pour une voiture fiable.

Malheureusement, les constructeurs européens restent en retard et n’investissent pas suffisamment. Le jour où les véhicules chinois bénéficieront d’une meilleure implantation locale, de réductions de taxes et d’arguments commerciaux percutants, je pense que plusieurs de nos constructeurs historiques risquent de disparaître. Et ce ne sera pas la faute des Chinois : même s’ils se sont inspirés de Tesla et d’autres acteurs étrangers, ils répondent aux attentes des consommateurs : une voiture neuve, abordable, bien équipée, robuste et « vertueuse » pour la planète (notez l’utilisation de guillemets).

La BYD SEAL de première génération (2022-) La BYD SEAL de première génération (2022-) (Crédit photo : BYD France)

Quand je regarde les nouveaux modèles européens, je ne peux m’empêcher de souffler. L’arrivée imminente des véhicules chinois risque de bouleverser le marché et d’emporter ceux qui proposent encore des moteurs thermiques à bout de souffle, sous-performants et vendus à des prix délirants, où la seule performance réside dans un turbo-compresseur contraint par les normes antipollution européennes, bien loin de ce qu’offraient les moteurs diesel et essence d’il y a quelques années.

L’avenir de l’électrique n’est pas une utopie : il présente de nombreux défis, comme l’impact environnemental de la production et du recyclage des batteries, la dépendance aux matières premières rares et coûteuses et le besoin d’une infrastructure de recharge adaptée. Que se passera-t-il lorsque les terres rares deviendront insuffisantes ? Quelles alternatives pour fabriquer les batteries ? Tant de questions restent sans réponse pour le moment. Une chose est sûre : l’industrie automobile européenne doit s’adapter très rapidement pour rester compétitive dans un marché en pleine mutation, sinon elle risque de disparaître définitivement.

L’objectif 2035 et au-delà

En 2023, l’Union Européenne a adopté une réglementation visant à interdire la vente de véhicules à moteur thermique (essence et diesel) à partir de 2035, dans le cadre de ses efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le changement climatique. Je suis totalement favorable à cette décision. Oui, elle entraînera des changements majeurs dans l’industrie automobile mondiale, mais c’est une étape nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques et encourager la transition vers des modes de transport plus durables. En revanche, je ne suis pas convaincu que les véhicules électriques soient la solution durable à nos problèmes actuels.

Les enjeux liés à la fabrication des véhicules électriques sont nombreux. Aujourd’hui, nous dépendons massivement des batteries lithium-ion, dont l’extraction et le recyclage ont un impact environnemental considérable. Je rêve d’un monde où nous pourrions utiliser des batteries plus écologiques, plus durables et plus faciles à produire et recycler. Par ailleurs, améliorer les infrastructures de transport en commun, promouvoir la mobilité active (marche, vélo) et développer des technologies alternatives sont également des pistes indispensables pour réduire notre dépendance aux véhicules individuels et aux combustibles fossiles.

L’industrie européenne, qui a longtemps été un moteur d’innovation, doit impérativement se réveiller pour relever ces défis. Elle doit investir massivement dans la recherche et le développement, collaborer avec des partenaires internationaux et adopter une approche centrée sur le consommateur pour créer des véhicules adaptés aux besoins réels du marché et aux attentes des Européens. Les gouvernements, de leur côté, doivent donner une direction claire et cohérente en matière de mobilité durable et de politique environnementale : offrir de véritables incitations financières (et non des dispositifs de leasing social qui, à mon sens, gaspillent de l’argent public pour aider ceux qui cherchent juste à mieux vivre), développer les infrastructures de recharge et promouvoir des alternatives au tout-voiture. Si cela n’est pas fait, l’industrie automobile européenne risque de disparaître, déjà dépassée par la concurrence internationale et les mutations rapides du marché. Il suffit de regarder notre industrie du numérique, largement noyée par les géants américains et asiatiques faute de remise en question, pour comprendre le risque encouru.

Le président de la République française Charles de Gaulle à bord de la Citroën DS présidentielle (1963) Le président de la République française Charles de Gaulle à bord de la Citroën DS présidentielle (1963) (Crédit photo : Gnotype)

En attendant, je continue de rouler avec ma petite Peugeot 208 essence de 2023 (équipé d’un 1.2 PureTech atmosphérique de 75 chevaux), en espérant qu’elle tiendra le plus longtemps possible. Franchement, je n’ai pas beaucoup d’espoir pour sa longévité face à la 308 de mes parents, qui continue à tourner comme une horloge malgré son kilométrage élevé et l’usure normale liée à son âge. Quand je vois le prix des véhicules neufs ou d’occasion, j’ai juste envie d’adopter un cheval 🐴 et d’aller au travail à dos de monture : au moins, lui, il ne pollue pas et ne tombe pas en panne (quoique…).